samedi 8 juin 2013

L'harmonique de l'univers...

Le monde change;
sur une plage un promeneur a écrasé
un minuscule coquillage; dans une centaine d'années,
il y aura un nombre infinitésimal
de nouveaux grains de sable encore pointus et anguleux,
et mille ans plus tard de petits grains ronds
et lisses auront apparus – le monde change;
dans le jardin, pour la première fois, les boutons de camélia
vont s'ouvrir: nous ne savons pas de quelle couleur
seront les fleurs; quelques feuilles de radis,
deux petits bouts de rien, tout verts, dans le potager;
ce matin, on a rapporté les cendres de M.
du funérarium – le monde en est-il un peu plus vide,
ou un peu plus plein?


 Il paraît qu'on a trouvé
au fond des océans, dans les grandes failles obscures,
des poissons inconnus, aux formes étranges,
aux yeux aveugles – peut-être que dans dix millénaires,
ils ramperont hors de l'eau, et tout recommencera,
mais autrement ; la chatte a fait un nid dans le placard,
sur les serviettes de toilette,
comme à chaque fois – les petits ne vont pas tarder, cette nuit
peut-être-

le monde change;

dans le pré d'en-bas, chaque jour, les veaux
s'éloignent un peu plus de leurs mères : on pourra bientôt
les séparer sans les entendre meugler désespérément
toute la journée, inconsolables;
le long du talus, la terre détrempée après toute cette pluie
a commencé à glisser: qu'en est-il en moi
de la force de la terre? Combien de temps
avant qu'elle ne me tire vers elle –
 le monde change.
 
Sur l'écran de mon ordinateur, j'ai vu hier
ma petite nièce, Arabella, se mettre à marcher,
tomber en éclatant de rire, et se relever: bientôt
elle va partir explorer, s'éloigner, grandir;
va-t-elle changer le monde,
le monde la changera-t-elle? Dans le désert iranien
on tombe sur des ossements – sous l'effet du vent et
du sable, ils chantent, fête
des morts sans sépulture;
et cet air qui me compose aussi, quand
glissera-t-il à travers
mes os pour rejoindre

l'harmonique de l'univers?


Le monde change;
les pins qui se sont écroulés cet hiver sous le poids de la neige
servent de refuge
aux insectes et aux vers -
bientôt poudre bientôt humus bientôt atomes;
les hommes qui habitaient près de la rivière
autrefois
ont laissé s'écrouler les maisons 
de pierres grises; une bordure de rosiers

sauvages marque encore la trace des tombes -
le monde change.
Les abeilles y bourdonnent dès l'aube ,
petites flèches de soleil aux ailes sucrées-
délices;
une île a surgi de l'océan, ruisselante,
comme une reine,
et à des milliers de kilomètres,
les plages ont tremblé – et l'eau,
qui me traverse, me polit, me gouffre -
quand ruissellera-t-elle retournant aux nuages, à la pluie,
au ciel sans limite?
Un seul papillon a éclot,
tache blanche
sur feuille verte:
est-il heureux,ou
solitaire?
Est-ce que cela peut changer le monde?

Chacun de mes pas bouscule
un peu
le monde;
le monde frissonne dans chacune de mes respirations –
je change le monde -
le monde change-
maisons, îles, abeilles, cendres, poissons, coquillage;
naissance, mort, humus, ciel;
eau, terre, vent -
le corps – le monde.









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