mardi 23 décembre 2014

Déjà l'aube



Serait-ce déjà l'aube?
Longue encore est la nuit
mais si claire la lune


Soseki





Dans la froideur du matin
mes os sont vivants
je reste immobile

Soseki











Cristal coupé, cadeau!
Soseki Haikus Ed.Picquier

mardi 9 décembre 2014

Découverte de la légèreté







Déjà les montagnes bleuissent: leurs formes se découpent sur le ciel encore pâle; dans les creux quelques traces de neige scintillent doucement.

 Bruit d'ailes: deux corbeaux s'élèvent en croassant du champ que je longe, et le silence revient, plus profond d'avoir été troublé un instant.
 


Je marche en écoutant ce silence, en buvant ce silence, en le laissant imprégner et emplir tout mon corps. Me viennent à l'esprit ces mots usés: « la paix du soir » - et les mots deviennent tout neufs car oui, elle est là, cette paix, dans le grand ciel sans horizon, dans la solidité des montagnes, la courbe de la terre et le calme de la nature. Je marche dans cette paix, je marche cette paix même.

 La fin des travaux, la fin de l'agir, la fin du jour: fin acceptée, reconnue, attendue. « Il est un temps pour tout et un temps pour chaque chose sur cette terre... ».
 



A chacun de nous de reconnaître quand il est temps d'entrer dans la paix du soir. Il ne s'agit pas de se tromper: ce n'est pas l'ennui qui nous raconte qu'il faut s'agiter, qu'il faut dévorer; l'ennui qui nous fait croire que la tranquillité est la mort, que la vie ne vaut que par ses jeux et ses tempêtes; ce n'est pas l'indifférence, avec sa couleur gris sale; l'indifférence est un manquement au monde et aux autres, un tout petit espace où, replié, on essaye de croire qu'on peut encore vivre quand l'égoïsme l'emporte; ce n'est pas la résignation, qui est la fin de tout espoir, la fin de la lumière.
 
C'est le calme de ce qui a été vécu et accompli. Oui, il y a eu brûlures et naufrages; oui, il y a eu douleurs d'amour, soleils triomphants et attente des rêves. Et tout cela a fait notre vie, et cela est bien.
 



Et maintenant nous voici dans le bleu du soir: le coeur apaisé. Cet apaisement ne cache rien, ne regrette rien, ne fuit rien.
Le coeur apaisé, le corps apaisé, c'est un « oui » lumineux dont le silence nous emplit comme une grande joie. Nous entrons dans la paix comme dans un havre, une douceur: nous n'en voulions pas, de cette paix, autrefois, et c'était juste car nous étions dans le temps de la construction, lorsque nous bâtissions à la fois le monde et nous-mêmes. Nous avons modelé cette terre de nos espoirs et de nos peurs, redessiné des frontières, tracé des chemins, fait jaillir des sources.

 Nous avons, si peu que ce soit - et qui saurait en être juge? - laissé notre marque, ici et là par un geste, un rire, un regard.
 



Et que reste-t-il?
 ...une goutte de rosée sur un brin d'herbe, une plume dans le poids du monde. Car c'est la découverte de la légèreté, peut-être, qui d'abord nous étonne. Où est-elle cette pesanteur des jours, des attentes, des regrets? 
Disparue pour laisser la place à la transparence, comme dans ce crépuscule où les limites s'effacent entre ciel et terre.









 Légèreté du coeur qui a tout donné, tout reçu, tout accepté. Légèreté de la vie qui est espace ouvert qui englobe tout, dans l'infini du « oui ».
 



 Pas de vainqueur, pas de vaincu – comment avons-nous pu croire qu'il y avait combat?

 Dans la paix du soir, déjà, la lune pleine s'élève à l'horizon...










mardi 2 décembre 2014

JODO-E: l'Illumination du Bouddha



 JODO-E: le 8 décembre:
commémoration de l'illumination du Bouddha.

 


Dans les temples Zen, la journée du 8 décembre vient clore une semaine de pratique de l’assise ( zazen) intensive, rappelant la pratique
de Shakyamouni Bouddha sous l'arbre de l’Éveil.





"Ayant terminé son repas,- un bol de lait de buffle offert par la jeune gardienne du troupeau-  le renonçant Gotama pénétra dans une forêt de shorea robusta (espèce de saule) située près de la rivière, dans laquelle il pratiqua  tout l’après-midi. En cette fin de mercredi de pleine lune d’avril de l’an 103 de la Grande ère, le futur Bouddha alla s’installer sous un banian : l’arbre de la boddhi
Avant d’y arriver, il croisa Sotthiya, un coupeur d’herbe. 
Empli d’une profonde admiration, Sotthiya voulut lui offrir quelque chose. Comme il n’avait rien d’autre que l’herbe qu’il transportait sur son épaule, il lui en offrit huit gerbes. Parvenu devant l’arbre de la boddhi, le noble renonçant y étala les huit gerbes d’herbes sur le côté est de l’arbre.

 À ce moment précis, un grand trône, nommé Aparājita (le trône de la victoire), d’environ 7 mètres, se dressa de dessous terre, à 4 coudées de l’arbre, juste à l’endroit où l’ascète Gotama posait les gerbes.
Le futur Bouddha s’assit, jambes repliées, sur le trône dressé spécialement pour lui.


Il prit alors une décision irréversible :

« Quoi qu’il advienne de ce corps, que la chair et le sang sèchent de sorte à ne laisser que les os, la peau et les tendons ; puissé-je ne pas me lever de cet endroit tant que je ne serai pas parvenu au stade de bouddha. » "

d'après http://www.dhammadana.org/bouddha/eveil.htm

"Juste avant d'actualiser l’Éveil, le jeune Siddharta assis sous l'Arbre de la Bodhi, subit la menace des armées de Mara, le prince des démons. Personnification de l'ignorance, du désir, de l'attachement, et des passions qui divisent, Mara, sentant son pouvoir tomber, lance ses armées à l'assaut de Siddharta... 
 


Il cherche à le déstabiliser en suscitant en lui la crainte de la mort. Simultanément, des cohortes de femmes splendides, incarnant l'avidité insatiable, la luxure et l'insatisfaction, essaient de le séduire dans l'espoir de stimuler un désir enfoui qui ne demanderait qu'à se réveiller. 









Sentant sa victoire toute proche, Siddharta touche le sol de sa main droite, prenant ainsi la terre à témoin des mérites accomplis au cours de ses multiples existences. En signe d'approbation, elle se met à trembler. 


"Lorsque est apparue l'étoile du matin, j'ai réalisé la Voie avec la vaste terre et tous les êtres vivants..." Bouddha Shakyamuni


 











"Lors de son Eveil, le Bouddha perçut la présence de plusieurs êtres dans son propre corps: des vies organiques et inorganiques, des minéraux, des mousses, des herbes, des insectes, des animaux et aussi des humains. Il vit qu'au même instant d'autres êtres le contenaient également et eut la vision de ses propres vies passées, de toutes ses naissances et de toutes ses morts.




 Il assista à la création et à la destruction de milliers de mondes et d'autant d'étoiles. Il ressentit les joies et les peines de chaque être vivant, nés d'une mère, d'un oeuf, de la fission... se divisant eux-mêmes à leur tour en de nouvelles créatures. 

Chaque cellule de son corps contenait le Ciel et la Terre, et voyageait à travers les trois temps: le passé, le présent et le futur. (...)

 




  Il vit d'innombrables mondes naitre et s'évanouir, de multiples êtres connaître des milliards de naissances et de morts. Il réalisa que ces évènements n'étaient que des apparences extérieures et irréelles, semblables aux millions de vagues se formant et disparaissant à la surface de la mer éternelle. Si les vagues comprenaient qu'elles ne sont que de l'eau, elles dépasseraient les notions de naissance et de mort et connaîtraient la véritable paix intérieure, se débarrassant ainsi de toute peur. 






 Cette révélation permit à Gautama de transcender le cycle de la naissance et de la mort, et il sourit. 

Son sourire était pareil à une fleur s'épanouissant dans cette nuit profonde qui s'illumina d'un halo de lumière. 






 C'était le sourire de la compréhension sublime, l'intuition de la purification de toutes les souillures, la félicité de l'unité avec le Tout..."





D'après http://naturalezadorada.skyrock.com/2505952389-L-Eveil-du-Bienheureux.html 





     8 Décembre: un sourire, les mains en gassho...
une assise, au pied de l'Arbre de l'Eveil....
la joie de marcher ensemble dans cette Voie


le coeur plein de reconnaissance...




Photos: Yvon/Anne - Soto Shu- naturalezadorada.skyrock.com- 
220px-Bouddha_Bhûmisparsha-Mudra - dhammadana.org- Boston Globe (2)-
naturalezadorada.skyrock.com- Yvon/Anne.
 Et j'ai oublié qui m'a envoyé la dernière....


lundi 24 novembre 2014

Entendre les pas de la lumière




Soudain la vie bascule
et l'on entend vibrer
dans les traces de l'ancien désastre
les pas de la lumière

M.Faivre-Engelhart Éboulis de silence 




Lumière
Je viens
J'habite la lumière


Michaux Vers la complétude




 

     à l’ombre de nos monstres
                              bleuir l’aube fragile

                                   de l’autre. »

                                                    Mireille Faivre-Engelhart 















jeudi 20 novembre 2014

vendredi 14 novembre 2014

Le cosmos et le lotus

 


 







Nous descendons tous de l'Homo habilis apparu en Afrique il y a environ un million huit cent mille ans, quelles que soient notre ethnie et notre couleur de peau. 













En remontant assez loin dans le temps, nous devenons tous des cousins éloignés. 







  Plus étonnant encore : le décodage du génome de l'homme et d'autres espèces vivantes nous révèle que cette convergence d'arbres généalogiques ne concerne pas seulement l'espèce humaine, mais également toutes les autres.



 Par exemple, nous partageons 99,5% de nos gènes avec les chimpanzés, ce qui implique que nous descendons tous d'un ancêtre commun et que si nous descendons tous d'un ancêtre commun et que si nous pouvions remonter assez loin dans l'arbre généalogique des chimpanzés, nous verrions qu'il se confondrait inévitablement avec le nôtre à un moment donné. 
 






Ce qui est vrai pour les chimpanzés l'est aussi pour tous les autres organismes vivants, des dauphins aux rossignols, en passant par les cigales, les grands chênes les champignons, ou les roses. 






Nos arbres généalogiques se rejoignent inéluctablement, tôt ou tard, pour n'en former qu'un seul et unique.







 Pour le bouddhisme, le monde est comme un vaste flux d'événements reliés les uns aux autres et participant tous les uns des autres. La façon dont nous percevons ce flux en cristallise certains aspects de manière purement illusoire et nous fait croire qu'il s'agit d'entités autonomes dont nous sommes entièrement séparés. Le bouddhisme ne nie pas la vérité conventionnelle, celle que l'homme ordinaire voit ou que le savant détecte. Il ne conteste pas les lois de cause à effet, ou les lois physiques et mathématiques.





 Il affirme simplement que, fondamentalement, il y a une différence entre la façon dont le monde nous apparaît et sa nature ultime.





Le Cosmos et le Lotus Trinh Xuan Thuan  ed.Albin Michel


dimanche 9 novembre 2014

Vieux amis, où êtes-vous partis ?






Hier, je suis allé en ville: 
 j'ai mendié de la nourriture
d'est en ouest;

mes épaules s'amenuisent et je ne peux me rappeler
quand j'ai reçu un plein sac de riz
pour la dernière fois.

Le gel épais me fait souvenir sans cesse
de la minceur de ma robe.



Mes vieux amis, où êtes-vous partis?

Même les nouveaux visages sont rares.

Rien que le vent de fin d'automne qui souffle
à travers les pins et les chênes.

Ryokan 

Moon in a Dewdrop Trad. Lulena

sumi e <carolinestroecks.com>

mercredi 29 octobre 2014

Above the tower: encore cette lune!












Above the tower -- a lone, twice-sized moon.
On the cold river passing night-filled homes,
It scatters restless gold across the waves.
On mats, it shines richer than silken gauze.

Empty peaks, silence: among sparse stars,
Not yet flawed, it drifts. Pine and cinnamon
Spreading in my old garden . . . All light,
All ten thousand miles at once in its light! 
 
 
 Au-dessus de la tour – une lune solitaire, énorme.
Sur la rivière froide qui longe les maisons emplies de nuit,
elle éparpille de l'or sans fin par dessus les vagues ;
Sur le sol de paille, elle brille, plus riche que gaze de soie.

Montagnes vides, silence : parmi les quelques étoiles 
pas encore disparues, elle vogue. Pin et cannelle
reviennent parfumer mon vieux jardin ...Tout est lumière,
toute l'étendue du monde d'un coup, dans sa lumière !

Tu Fu 
 
wengu.tartarie.com/Tang/Du_Fu.php
  
 

 

mercredi 22 octobre 2014

Les sages près de l'eau





"Depuis les temps anciens, les sages ont eux aussi vécus près 

de l’eau. Quand ils vivent près de l’eau, ils attrapent des 

poissons, ou ils attrapent des humains, ou ils attrapent la Voie. 


Ce sont les dons traditionnels de l’eau. 





De plus, ils doivent attraper le soi, attraper l’hameçon,

 être attrapés par l’hameçon, et être attrapés par la Voie… "










M°Dogen, Sansuikyo
 Sutra des montagnes et des rivières. 













Mind at Peace

When the mind is at peace,
the world too is at peace.
Nothing real, nothing absent.
Not holding on to reality,
not getting stuck in the void,
you are neither holy or wise, just
an ordinary fellow who has completed his work.



Quand l'esprit est en paix,
le monde aussi est en paix.
Rien de vrai, rien ne manque.
Sans s'accrocher à la réalité,
sans être pris au piège du Vide
vous n'êtes ni saint ni sage, juste
une personne ordinaire qui a fini son travail.



 P'ang Yün ( Hõ Un) (The Enlightened Heart )









pas une mince affaire
que d'être né humain 
crépuscule d'automne

Issa










dimanche 19 octobre 2014

Etre engourdi ou relié...?





 Dans une société qui n'est pas loin d’exiger que nous vivions en mode accéléré, la vitesse et les autres dépendances nous engourdissent au point de nous rendre insensibles à notre propre ressenti. 







Dans de telles conditions, il nous est pratiquement impossible 
d'habiter notre corps 
ou de demeurer relié à notre cœur,
 à plus forte raison de nous relier à autrui et à la terre.

 

J.Kornfield in Offrandes

 Quand avez-vous regardé les nuages pour la dernière fois?






Images: Lulena 






samedi 4 octobre 2014

秋 の 浜 Grève d'automne




秋 の 浜     Aki No Hama :



 Grève d'automne







 Grève d'automne:
à chaque coup d'oeil en arrière
un chien à distance

Yamaguchi Seichi



Après ces milliers de pas
les miens solitaires
grève d'automne

Mitsubashi Takajo



Photo: Marylise
Haikus: A l'ouest blanchit la lune Ed. Folle Avoine

lundi 29 septembre 2014

Lune et automne, ici et là





Seules la lune et moi
prenant encore le frais
sur le pont 
Kikusha Ni





Début de l'automne
une lampe là-bas
au loin
à la tombée du jour 
Buson
















Nuit Lune Feuilles noires
Sur le pas de ma porte
quand ma fenêtre est ouverte
sur la nuit:
Phalènes
Feuilles noires
Clair de lune
K.Raine








  Que je vois la lune
et la tristesse me saisit
bien que l'automne
ne vienne pas seulement pour moi 
Oe-No-Chisato 










Juste quand mon envie de voir la lune
au-dessus de Kyoto
devient plus profonde
la lune que j'aperçois 
en cette nuit d'automne
ma laisse sans sommeil
devant sa beauté
M°Dogen










Le soleil matinal
 traverse les saules
- l'automne déjà!
Seiko




jeudi 25 septembre 2014

Paresse d'automne...





Depuis les temps anciens, quand arrive l’automne

On s’afflige sur la solitude;


Pour moi cette journée d’automne est meilleure

Qu’une matinée printanière.


Dans le ciel serein une grue file à travers les nuages

Elle accompagne mon sentiment poétique

Jusqu’aux cieux émeraude.



Liu Yu-hsi 




Poème lu sur: http://encresdumonde.eklablog.com/



 



jeudi 11 septembre 2014

Une seule goutte d'encre




Il faut savoir
qu'imprégner le papier
d'une seule goutte d'encre
n'est pas une mince affaire:

il faut que le cœur
se fasse
immense et vide
sans plus contenir
un seul objet...
 
Li Rihua



Encre: Lulena

La fin d'un blog

     Impermanence et changement...    pas facile parfois... la fin de ce blog depuis avril 2012, pour moi, un espace de liberté, un espace d...