mercredi 16 avril 2014

Le Destructeur, le Danseur, Celui qui défait le monde...








Dis-moi, enfant, toi que je rencontre partout sur mon chemin, qui es-tu ?
 

Je suis l'enfant du temps. Dès l'origine, je suis là ; jusqu'à la fin, je suis là. Quand le moment est venu, je me manifeste; quand il le faut, je me transforme. 
Je suis la force et la faiblesse ; sans moi, il n'y a pas de renouveau, il n'y a pas d'avenir. Je suis l'envers de la création, la nécessité de la perte ; j'apporte le mouvement, et la vie, et la mort.

On m'a donné beaucoup de noms, j'aime celui de Shiva. 

Mais on me nomme aussi le Destructeur, le Danseur,
 l'Infini, Celui qui défait le monde...




Suis-je la seule à te voir ?
 

Tous me voient, mais peu me reconnaissent : je suis le petit garçon qui part jouer en donnant des coups de pied dans la fourmilière, je suis la jeune fille quand elle s'éloigne sans regarder en arrière, l'homme qui aime la guerre; je suis la femme qui porte les enfants, qui voit la vie grandir en elle.

 Je suis le vieillard qui regarde pousser les arbres qu'il a plantés, et flétrir ses années... Je suis l'automne, et les feuilles qui s'abandonnent au vent, se laissant porter vers la terre ; le rouge flamboyant du grand cerisier, l'or des chênes ; 

je suis l'hiver nu et desséché, la tourmente qui casse les branches, la neige pure qui recouvre les champs. Je suis la tempête qui s'élève et qui brise, le souffle du printemps, les orages de l'été.
 Le torrent qui gonfle chuchote mon nom, l'éboulis qui brise la crête le proclame, la terre tremble quand je la réveille.



Ne sais-tu donc que détruire et abîmer ?
 

Tu ne comprends pas: je suis aussi la paix qui protège la terre et permet aux premières fleurs d'apparaître; je suis aussi la sève, qui au cœur même de l'hiver, s'élève dans les arbres ; grâce à moi, les branches dénudées porteront des bourgeons, et les fleurs laisseront la place aux fruits.




  Je suis celui qui change le cours des choses, amenant la rivière là où manquait l'eau, qui redessine sans cesse les plages et les côtes, annonçant de nouveaux chemins.

 Je polis la roche en millions de grains de sable, et transforme le volcan en terre noire et riche.

 Je suis l'année qui se termine, et l'année nouvelle qui s'offre.
 









 Je suis celui qui réjouit ou désespère; j'apporte le changement, la fin et le commencement, le renouveau et la peur; je me joue de vos projets et de vos désirs, car ma danse est le monde.

 Je danse pour que les saisons s'écoulent, que la nuit succède au jour. 

Ma danse est danse de vie, car l'immobilité est la mort.




 Je danse le temps qui passe, 
les pétales fanés des fleurs de cerisiers, 
mais aussi les premières roses.

Et moi, est-ce que tu me connais ?
 

Regarde : vois tes mains, qui chaque année ressemblent un peu plus aux feuilles des arbres d'automne, rousses, sèches, fragiles...vois le visage qui se creuse, le corps qui s'affaiblit...Toute l'histoire d'une vie que j'inscris sur chaque corps. 



Pourquoi cette grimace ? Voudrais-tu être encore une enfant au sein de ta mère ? N'avoir jamais grandi, n'avoir pas changé, n'avoir jamais vécu ?

Enfant, tu m'effraies...
 

Pourquoi avoir peur du changement ? N'est-il pas déjà inscrit en toi dès avant ta naissance ? N'est-ce pas l'étoffe dont est tissée la vie humaine? L'air que tu respires, la terre sur laquelle tu marches ne sont pas autre chose que les traces de mes pas.



  Chacun de tes jours n'est autre 
qu'un instant de cette danse...


















Danse, Shiva, danse, la grande danse de la vie et du changement...
Saurons-nous t'accompagner avec grâce, 
aussi légèrement que ces pétales qui s'envolent dans le vent.. . ?




Magazine La Vie, Les Essentiels

3 commentaires:

  1. Ne mourons-nous pas à chaque instant pour mieux renaître à nous-mêmes? Bébé qui disparaît pour faire place à l'enfant, l'enfant à l'adolescent, l'adolescent à l'adulte, l'adulte de cet après-midi à celui de ce soir, laissant à la vie le soin de nous réinventer continuellement. En perpétuel mouvement, tels des équilibristes, oscillant un peu à gauche, un peu à droite, nous stabilisant avec plus ou moins d'aisance avant de faire le pas suivant, puis un autre, puis un autre encore... Nous ne sommes jamais aussi beaux ni aussi forts que lorsque nous oublions le fil et ne faisons plus qu'un avec lui...

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  2. .../...
    Des quais froids de la Seine aux bords brûlants du Gange,
    Le troupeau mortel saute et se pâme, sans voir
    Dans un trou du plafond la trompette de l'Ange
    Sinistrement béante ainsi qu'un tromblon noir.

    En tout climat, sous tout soleil, la Mort t'admire
    En tes contorsions, risible Humanité
    Et souvent, comme toi, se parfumant de myrrhe,
    Mêle son ironie à ton insanité !
    — Charles Baudelaire
    Extrait de "Danse macabre"

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    1. Ni ce romantisme, ni ce mépris: " ma danse est danse de vie..."

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