vendredi 29 mai 2015

Le potager de notre voisin












Dans son potager, mon voisin n'en fait qu'à sa tête – et ça lui réussit très bien, merci. Tous les ans, son potager déborde et le nôtre, eh bien, rien de comparable. Nous qui, en arrivant, n'étions pas très versées dans les plantations, avons commencé par acheter plein de livres, et demander beaucoup de conseils. Nous étions bien résolues à être "bio", comme lui, bien sûr, pour notre plaisir et pour ne pas abîmer cette belle nature qui nous environne.  

La première année, encore ignorantes, nous avons fait venir un tracteur pour retourner la terre, mais tous les livres nous mirent en garde contre l'agression que cela représente pour la précieuse couche d'humus. 

Aussi, l'année suivante nous nous sommes munies d'un outil spécial, plein de dents, mais, assurait la publicité: " Particulièrement étudié pour faciliter l'aération de la terre sans efforts", et la photo montrait une gentille grand-mère devant un jardin qui s'étendait à perte de vue. 
Après quelques heures, nous étions paralysées par les courbatures, bien incapables d'agiter le bras pour répondre aux joyeux bonjours que nous adressait le voisin du haut de son tracteur.
  "Alors, s'étonna-t-il, vous allez tout faire à la main?" Et nous d'essayer de sourire et d' assurer que nous étions vraiment ravies de ce vrai travail de la terre.
 En tous cas, nos épaules se sont musclées. 


 Et cette année-là aussi, son potager fut somptueux.

Nous avons préparé un grand espace, afin de pouvoir alterner engrais verts et légumes.

Le voisin s'en tient au même espace depuis des dizaines d'années. 

Nous pratiquons consciencieusement la rotation des cultures:

 -" Mais où est passé le plan du potager de l'année dernière? Les pommes de terre, elles étaient où, les pommes de terre?".

 A côté, les salades reprennent tous les ans la place attitrée des salades, et les choux celles des choux.



 Nous plantons à la bonne lune, montante ou descendante –
  "Quand ça ressemble à un P, c'est laquelle? Où est le livre?" .

Nous passons des heures à demander aux petits pois s'ils se sentiraient mieux auprès des carottes, et aux betteraves ce qu'elles pensent des courgettes.





Nous avons semé tout droit – enfin…autant que possible- puis aussi en cercle, en spirale, en diagonale…Nous avons rajouté la- fleur–qui-fait-fuir-l'attaquant des choux, et celle qui écœure le papillon avide de salade; nous mettons du fumier, de la chaux et de la cendre. 



Mais à l'époque des plantations, nous surveillons du coin de l'œil et nous passons faussement par hasard dès que le voisin pose le pied dans son potager –" Les carottes, il sème les carottes, où sont les paquets de graines?"










Notre voisin est notre Maître ès-jardin, notre oracle:" Les haricots, le jour de la St Didier, c'est lui qui l'a dit…".
Il nous a nourris avec générosité dès la première année de notre installation ici, quand le futur potager était couvert de vieux parquets et des bois de construction. 

Aujourd'hui encore, et demain sûrement, ses salades, venues longtemps avant les nôtres, apparaissent sur notre table, ses haricots verts emplissent nos bocaux de conserve et les courgettes géantes gratinent dans le four. 

Car il nous donne sans compter avec une générosité cachée: "Ca va se perdre si vous ne le prenez pas…"






En cette fin d'été, notre potager n'est plus qu'une grande étendue orange: tout disparaît sous les soucis!

Je trouve que c'est le seul point où nous réussissons mieux que lui, mais soyons franc, il n'essaierait même pas d'enfouir ses légumes sous des fleurs inutiles!
 

Et quand nous lui demandons: " Mais enfin, allez, dites-nous comment vous faites? " Il nous regarde en souriant, penche un peu la tête: "La pratique, vous voyez, il n'y a que la pratique…"





Alors tous les ans, nous continuons à pratiquer, et à apprendre…Merci.


Lulena les Essentiels, Magazine La Vie 

Marcelo
Lulena





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