vendredi 14 juillet 2017

Emotions: je reviens!



    Je reviens ! J’ai envie de courir devant le car qui aborde poussivement virage après virage… Je reviens ! 


J’essaye de ne pas sauter sur mon siège emportée par la joie de ce retour. Trois ans déjà que je ne suis pas remontée dans « mes » montagnes, trois ans passés en ville, trois ans sans arbres, sans fleurs, sans silence, sans air. Oui, je sais, j’exagère, je suis de mauvaise foi, mais aujourd’hui j’en ai le droit, le droit de m’enthousiasmer et de coller mon nez à la fenêtre pour voir plus vite arriver « mon » village.
   

Enfin, m’y voilà. Sur mon passage quelques personnes me sourient d’un air incertain : est-ce possible que déjà on ne me reconnaisse plus ?! Quelques nuages assombrissent un instant mon élan : pourrais-je être déçue de ce moment si souvent imaginé ? 



Je me hâte vers la petite route qui  traverse la forêt et débouche sur les prairies qui entourent « ma » maison, lieu de retraite et de paix, d’amitié et de rencontres. Je n’ai pas prévenu de mon arrivée afin de pouvoir, pas après pas, renouer avec chaque centimètre de ce chemin…

Oui, j’exagère encore, et pourtant, il me semble bien reconnaître chaque caillou, chaque feuille encore brillante de la pluie de ce matin. Les ruines de ce vieux mur se sont laissées aller, le lichen les recouvre maintenant…. Quant aux fleurs de pissenlits, elles se sont mises à envahir le fossé… 

Je traverse le bois, plus sombre que dans mon souvenir… Je souris de me voir passer de cliché en cliché : est-ce que les branches des grands sapins se tendent vers moi pour me saluer ? Parfaitement ! Et les boutons d’or, déploient-ils leurs pétales pour m’accueillir ? Absolument ! 




Pourtant mon émotion est bien réelle : peu à peu, j’ai été attrapée par ce coin du plateau ardéchois, par ce pays de jours froids et de nuits claires, de printemps éclatants et d’automnes mouillés… Un pays d’accueil, silencieux et généreux.
    

Je suis bien essoufflée: ça grimpe ! Je m’arrête et je respire. Cliché encore : pureté de l’air, j’ai les poumons qui pétillent ! Je pose mon sac, et quand j’arrive à respirer normalement, j’écoute le silence. 


Un vrai silence, un silence vivant. Tout respire avec moi : la terre, les arbres, les musaraignes, les chouettes endormies, les écureuils curieux, jusqu’au dernier insecte minuscule qui rampe sur un pétale de marguerite… 

Je sens mon corps se dénouer, mon coeur s’ouvrir : quelque chose qui s’était recroquevillé en moi se dilate, je me réveille au monde et à moi-même.
     Je suis reposée comme après une longue sieste, rafraîchie comme d’une source transparente qui comble corps et âme. 




Encore un tournant, une petite grimpette, et voilà : j’aperçois, encore un peu caché par les hautes herbes, un toit de tuiles grises posé comme un chapeau sur des murs de pierres qui s’accrochent à la terre. C’est une maison têtue, bien décidée à tenir contre vents du nord et tempêtes de neige. Cliché: oui, mon coeur fait un bond dans ma poitrine!
  

 Je reviens!  Qu’est-ce qui me touche autant dans ce coin d’Ardèche?  Ici, mon corps est plus grand que mon corps, il s’étend aux châtaigniers qui bordent le chemin, aux mésanges près du bassin, à la terre même sur laquelle je marche. 




Tout est semblable à hier, et pourtant tout est neuf : mon regard fait naître chaque chose, et chaque chose me fait renaître. Si tant de choses nous quittent au fil des jours, heureusement, les moments de joie et d’harmonie restent inscrits en nous et là, nos racines s’enfoncent et nous nourrissent… 




Je reviens, je revis! 


Lulena La Vie les Essentiels

2 commentaires:

  1. Très beau texte "philopatrique" où déborde la gratitude, je fais le voeu avec tous les êtres que chacun connaisse une fois dans sa vie cette "joie du retour sans saisie"

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  2. Très beau texte plein de gratitude...l'amour de la maison...je fais le voeu que tous les êtres connaissent cette joie du retour sans saisie

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